Retour sur les UX Days 2023
Mon retour sur les UX Days 2023, organisés par FLUPA, et dont j’ai eu la chance d’être bénévole parmi l’équipe de communication.
#uxdesign #santé #numérique
La santé et l’UX un espace de jeu immense © natsya_gepp
Les opportunités de solutions numériques pour la santé sont variées, à l’image du secteur de la santé et de tous ses acteurs. Cet article présente une vue d’ensemble du domaine et la place importante de l’UX dans les solutions numériques dédiées. Il est basé sur la conférence que j’ai eu la chance d’animer lors de la journée ESTIMnumérique de 2019 sur le thème « Comprendre demain » dans le cadre de mes missions d’UX Designer chez HOPPEN. Cet article n’engage que moi, c’est une réflexion personnelle sur les enjeux de l’UX Design en santé et n’engage pas HOPPEN ou ses filiales.
Pour comprendre l’apport de l’UX Design dans le domaine du numérique en santé, il est nécessaire de comprendre ce secteur. En France, on compte quatre typologies d’établissements, chacune accueillant des patients différents pour des raisons spécifiques :
Les chiffres cités ci-dessus sont issus de l’Analyse de l’activité hospitalière 2019 – Atih.
Tous ces établissements de soins accueillent 12,9 millions de patients, dont plus de 56% dans le public et plus de 40% dans le privé commercial. Les tranches d’âge des patients couvrent tous les âges, mais 14% ont moins de 18 ans et 12% ont plus de 80 ans.
Le point commun de tous ces établissements de santé est évidemment le numérique © PIXNIO
Quand on parle de numérique en santé, on a forcément en tête la « e-santé ». Mais derrière ce terme se cache une multitude d’applications. Je vous propose un aperçu de la multitude de solutions qui se cachent derrière ce terme.
La principale regroupe tous les dispositifs médicaux et d’assistance de soin. On va y retrouver les systèmes numériques qui permettent de soigner. À partir des données récoltées (manuellement ou automatiquement), elles vont pouvoir aider au diagnostic, permettre un ajustement de traitement, une remontée d’alerte et détection de situations médicales à risque. Ces systèmes ont donc une forte responsabilité, il faut que les informations et données soient bien remontées, que les détections soient justes (éviter les faux positifs) et que les alertes soient bien notifiées. Pour s’assurer de cela, ces solutions sont des Dispositifs Médicaux (DM). Ils sont évidemment certifiés pour s’assurer de leur bon fonctionnement (retrouvez tous les détails sur le site de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM)).
Dans cette même lignée, les Dispositifs Médicaux sont aussi souvent utilisés dans des systèmes de télémédecine, pour permettre la prise de mesures médicales à distances (température, tension, poids, etc.). La télémédecine est elle aussi une grande partie de la « e-santé » qui évolue et se développe de plus en plus. La pandémie Coronavirus a permis de mettre en avant ces solutions, mais elles permettaient déjà de réduire les déserts médicaux et d’avoir accès à des soins spécialisés. La téléconsultation est une dérivée de cette télémédecine, avec toutes les solutions de prise de rendez-vous en ligne.
Les montres connectées font partis des dispositifs numériques © Luke Chesser
Nous trouvons ensuite les applications et services compagnons pour un usage autonome par le patient. Ces solutions numériques ne sont pas des dispositifs médicaux, mais peuvent fonctionner de la même façon : remonter des informations et permettre un suivi de santé quotidien. Ce suivi peut être plus ou moins guidé, partant d’une simple historisation jusqu’à des conseils adaptés. Ces solutions numériques concernent de nombreux domaines de la santé et des pathologies diverses : suivi de menstruations, suivi psychologique, suivi de diabète, suivi de grossesse, etc. La concrétisation est souvent sous forme d’application mobile ou de plateforme web à destination directe du patient.
Des solutions pour le patient, ce ne sont pas uniquement des systèmes pour le soin autonome chez soi. Il y a aussi les solutions de parcours patient faisant le lien entre le patient et son établissement de santé. Ces applications sont souvent portées par les établissements eux-mêmes ou par un partenaire digital et visent à accompagner le patient dans son parcours médical. Cela passe par la préparation administrative de l’hospitalisation, par le séjour en lui-même avec la gestion de ses services sur place puis par son retour à domicile avec le suivi médical numérique approprié.
Une fois le patient hospitalisé, des solutions numériques sont mises en place au sein de l’établissement pour lui apporter une part de confort. Ce confort passe alors par du divertissement, qu’il s’agisse de télévision ou de tablette. Cela peut dériver sur de l’accompagnement thérapeutique, et surtout des solutions accessibles pour un maximum de handicaps possibles. Les accessibilités sont évidemment un élément indispensable puisque les patients sont dans une situation amoindrie.
À ces solutions se couplent souvent des fonctionnalités à destination des soignants et des équipes médicales. On passe alors à tout un autre aspect du numérique pour la santé avec les solutions dites professionnelles. Ce sont les outils numériques du quotidien des soignants, quels que soient leurs métiers ou leurs spécialités. Le plus souvent sous forme de logiciels, ces outils sont là pour la traçabilité des actes, la communication des informations (résultats d’examens, mesures, documents, etc.), la remontée d’alertes et souvent l’amélioration des processus internes. Les applications concrètes sont diverses : logiciels d’imagerie médicale, outils pour les blocs opératoires, gestion de la pharmacopée, géolocalisation des patients en ambulatoire, gestion des plannings et des chambres, traçabilité du bionettoyage, dossier patient informatisé, etc.
Les statistiques sont un élément clé des outils professionnels © Luke Chesser
Je ne m’étale pas plus sur les solutions de guidage dans les établissements ou de communication d’information qui peuvent exister. Les solutions numériques et leurs opportunités sont réellement diverses. Pourtant, il y a encore de nombreux domaines de la santé qui pourraient être d’autant plus numérisés. Mais pour cela, il est temps de s’attarder aux attentes des acteurs du secteur.
La culture française est très attachée à son système de santé, les attentes en termes de santé sont donc importantes en France. Car le médical, c’est quoi ? C’est surtout de l’humain, des patients, des personnes malades, des équipes médicales dévouées à soigner. Ici, on ne frôle que la partie émergée de l’iceberg des acteurs de ce secteur. Il faut aussi compter tous les métiers du médical (médecins, chirurgiens, chercheurs), les métiers du soin (cadres, infirmiers, aides-soignants) et tous les autres métiers du monde de l’hôpital (directeurs, financiers, personnel d’accueil et administratif, techniciens, personnel de ménage). Enfin, si le profil du patient est très large (malheureusement tout le monde peut être patient), il ne faut pas oublier les accompagnants et aidants, qui sont là pour suivre le patient en dehors de l’hôpital.
Les soignants sont en actions sans cesse et sont parmi les acteurs principaux à considérer © gcasasola
Le Baromètre Santé 360 mené par Odoxa sonde annuellement les français sur leur satisfaction du système de santé. Les résultats de 2018 ont permis de remonter les attentes des patients et du personnel soignant sur l’impact du digital pour le personnel soignant. Ils montrent qu’il y a une grande attente du numérique puisque l’on sait tout ce que cela peut apporter :
Le digital a aussi un impact fort pour les Français, celui-ci pouvant permettre un gain de temps pour les équipes médicales. L’objectif est qu’elles puissent ainsi se concentrer sur le relationnel, le soin et la santé. Les attentes sont ainsi les suivantes :
De nombreux services sont aussi attendus par les patients, car même s’ils existent, ils ne sont pas encore développés largement :
La monde de la santé, c’est surtout des patients malades qui ont des attentes fortes © National Cancer Institute
Malgré toutes les solutions numériques qui existent et qui se développent, le constat est tout de même là : la santé française est en retard sur le numérique. Il suffit de regarder nos voisins pour voir des hôpitaux connectés et des parcours de soins numériques. Les attentes des acteurs français ne sont pas encore rencontrées. La pandémie Coronavirus aura au moins eu cet avantage, celui de mettre en avant le secteur de la santé, et espérons-le, poussera sa numérisation. Mais le plus important reste de garder le patient au centre de toutes ces solutions numériques et de le laisser au cœur du monde médical de demain. Vous me voyez venir, la solution pour cela est toute trouvée : l’UX Design ou Design d’Expérience Utilisateur.
Vous ne voyez pas ce qu’est l’UX Design ? Je vous l’explique simplement dans mon article sur le sujet, Le métier d’UX Designer et comment l’expliquer à un enfant de 6 ans. Grâce aux méthodologies mises en place, l’idée est de passer d’une conception centrée produit (qui cherche à aller directement à la solution) à une conception centrée utilisateur. On part du problème pour en extraire une problématique et ensuite aboutir à une solution. Les éléments clés pour définir l’UX selon moi sont les suivants :
L’UX Design mis en pratique © UX Indonesia
Tout le monde peut être malade et donc être concerné par l’e-santé. Pensez-y, en France, nous débutons notre vie dans un hôpital dans 99,4% des cas (chiffres de l’INSEE 2016). Dans cette patientèle, on retrouve tout de même une majorité de personnes âgées et non technophiles. Les séjours hospitaliers sont de plus en plus courts, avec notamment le fort développement de l’ambulatoire. Par conséquence, les personnes sont affaiblies et passent moins de temps à l’hôpital. Ils ont donc besoin d’un meilleur accompagnement.
Depuis plusieurs années, on parle d’ailleurs de plus en plus d’Expérience Patient, mettant en avant celui-ci. L’Institut Français de l’Expérience Patient (IFEP) a vu le jour en 2016 et a pour mission de promouvoir la prise en compte de l’expérience patient afin d’en faire un levier d’amélioration du système de santé. Le plan « Ma santé 2022 » lancé par le gouvernement français met d’ailleurs en avant le constant que le système français est devenu inadapté. Pourtant les engagements du plan peuvent faire remonter la pente :
L’UX a donc toute sa place et ses enjeux dans le monde du numérique pour la santé. Les acteurs sont variés et ont tous leurs spécificités. Le patient et ses aidants doivent être rassurés et accompagnés pendant les épreuves de soins et d’hospitalisations qui sont difficiles. Les accessibilités sont d’ailleurs primordiales pour les patients, surtout lorsqu’on cible des établissements de rééducation / réadaptation ou des pathologies handicapantes. Prendre en compte des déficiences visuelles n’est pas suffisant (contraste des couleurs, visibilité et lisibilité des textes, etc.), il faut aussi proposer des solutions de commandes vocales et autres solutions de navigation (par contacteur sec notamment).
L’UX Design, ou comment mettre de l’humain au coeur du numérique © asawin
Les solutions pour les soignants doivent aussi être les plus ergonomiques et fluides possibles. Les logiciels utilisés dans le monde médical sont principalement imposés aux soignants. Ils n’ont pas le choix entre leurs outils et doivent donc s’adapter à ceux-là. Leur temps est précieux lorsqu’on sait que certains infirmiers ont moins de 5 minutes par patient pour faire leurs soins. Il ne faut donc pas gaspiller ce peu de temps à faire de la paperasserie numérique. Le Design a un rôle primordial dans la fluidification des parcours d’utilisateurs, adapter les solutions aux schémas cognitifs des soignants. L’un des exemples flagrants est la façon de penser et visualiser les informations en service ambulatoire. Tout s’y fait de façon horizontale pour suivre les étapes du parcours patients de gauche à droite. Proposer un logiciel présentant ces étapes verticalement serait alors un contre sens pour les utilisateurs soignants.
Pour résumer simplement, le secteur de la santé en France est varié et complexe, avec des contraintes spécifiques. Mais le constat est là : le système français peut encore s’améliorer en termes de numérisation pour enrichir l’expérience patient. Une variété de solutions sont présentes sur le marché, mais il faut réussir à les imbriquer correctement pour réussir à produire une réelle expérience patient homogène et qualitative. Pour cela, il faut encore une fois garder l’utilisateur, quel qu’il soit (patient, aidant, soignant, administratif, etc.), au centre de la conception de ces solutions. Le design centré utilisateur, l’UX Design, propose toutes les méthodologies pour prendre en compte les besoins, les points de frictions et les contraintes de ce contexte riche. La mission des designers est indispensable : permettre une fluidité des solutions professionnelles et apporter une humanité aux solutions à destination des patients.
Comme dans tous mes articles, je vous liste quelques articles pour aller plus loin ainsi que mes sources de travail. N’hésitez pas à les lire, ils sont passionnants !
Mon retour sur les UX Days 2023, organisés par FLUPA, et dont j’ai eu la chance d’être bénévole parmi l’équipe de communication.
Retour sur la conférence du Printemps du Numérique où l’on a discuté des différents chemins pour devenir designer.